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23 de noviembre de 2015

Catalogne : Madrid utilise l'arme financière pour faire céder les indépendantistes


Le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, veut faire céder la majorité indépendantiste catalane. (Crédits : reuters.com)

Catalogne : Madrid utilise l'arme financière pour faire céder les indépendantistes


Par Romaric Godin
La Tribune | 2015-11-23CET20:07:41+0100


L'Espagne sort l'arme financière contre la majorité parlementaire indépendantiste catalane. Ce week-end, le ministre espagnol du budget, Cristobal Montoro, a annoncé que la Catalogne devrait se soumettre à de « nouvelles conditions » pour avoir accès au Fonds de Liquidité des Autonomies (FLA). Pour la Catalogne, ce programme représente encore 3,03 milliards d'euros. Le FLA a été créé en 2012. Il s'agit de prêts consentis aux Communautés autonomes (régions) par l'Etat central pour éviter à ces dernières de lever des fonds sur les marchés.
Nouvelles conditions
Quelles seront ces nouvelles conditions ? Elles seront ouvertement politiques. Cristobal Montoro l'a clairement assumé. « Ces conditions prévoient des garanties pour que pas un euro n'aille vers des buts sécessionnistes », a indiqué le ministre. Le gouvernement catalan devra donc, pour toucher ces fonds, donner l'assurance qu'ils seront utilisés pour le fonctionnement des services publics et « nullement pour violer la constitution. » Cette décision « s'explique clairement par les circonstances politiques que connaît la Catalogne », a indiqué le ministre du Budget.
Mise sous tutelle de la Catalogne
Concrètement, ceci signifiera que le Trésor espagnol versera les fonds du FLA chaque mois après avoir obtenu le feu vers d'un contrôleur du gouvernement qui se sera assuré auprès du gouvernement catalan, la Generalitat, de la « validité » des dépenses engagées. Autrement dit, l'autonomie financière de la Catalogne est en partie réduite. Et cette décision pose un grave problème au gouvernement de Barcelone si ce dernier décide d'appliquer la résolution du parlement votée le 9 novembre dernier et ouvrant la voie à un processus de séparation avec l'Espagne. Cette résolution - qui a été suspendue le 11 novembre par le Tribunal constitutionnel espagnol - prévoit en effet la création de « structures d'Etat. » Si ces structures sont effectivement créées, Madrid pourrait en prendre prétexte pour suspendre les versements du FLA, ce qui placerait le gouvernement catalan en grande difficulté financière.
Asphyxie financière
Déjà, le secrétaire général du département catalan de l'Economie, Albert Carreras, a indiqué que ces nouvelles règles étaient « extrêmement confuses. » « Nous ne savons pas ce que nous pourrons payer et quand nous pourrons payer », a-t-il ajouté. C'est sans doute ce que cherche Madrid. Le gouvernement espagnol tente de saper les bases du soutien aux indépendantistes catalans en provoquant des retards de paiements et des dysfonctionnements dans les services publics. Cette mesure est aussi clairement un premier pas avant l'utilisation de l'article 155 de la Constitution qui permet de suspendre l'autonomie régionale. Mais le gouvernement espagnol hésite à utiliser cet article qui obligerait à prendre des mesures d'ordre public difficile à mettre en œuvre. Il préfère donc contourner la difficulté en asphyxiant financièrement le gouvernement catalan. En réalité, cette mesure est une forme d'article 155 financier. Il est bien plus efficace : nul besoin d'envoyer la garde civile au risque de provoquer une résistance des Catalans, il suffit de tenir les cordons de la Bourse.
La zizanie au sein du camp indépendantiste se poursuit
Face à une telle stratégie, le gouvernement catalan semble désarmé pour l'instant. Et la première raison en est qu'il n'est qu'un gouvernement de transition qui ne dispose pas du soutien du parlement. L'actuel président de la Generalitat, Artur Mas, a, par deux fois, échoué à être élu en raison de l'opposition du parti de gauche radicale indépendantiste, la CUP. Les discussions se poursuivent, mais aucune issue ne se profile. S'il n'y a pas de président élu le 10 janvier, il faudra procéder à de nouvelles élections en mars. En attendant, il est impossible pour un gouvernement en sursis d'appliquer la résolution indépendantiste. Cette division et les menaces de Madrid font peser un risque notable sur le score des sécessionnistes en cas de nouvelles élections.
Pressions financières
Les indépendantistes sont, de plus, désormais, sous plusieurs pressions économiques. Certaines associations d'entreprises ont signalé des départs de sociétés de la région par crainte de la sécession. Des chiffres qui sont cependant à prendre avec précaution, pour le moment. Vendredi 20 novembre, un think tank anti-indépendantiste, le Cercle d'Economia, a demandé aux politiques catalans de ne pas appliquer la résolution du 9 novembre. Plus grave sans doute, l'agence de notation Fitch a dégradé la note de la Catalogne au statut d'obligation « pourrie » (« junk bond ») en raison du risque indépendantiste. En réalité, Fitch semble surtout effrayé par l'influence de la CUP. Mais cette décision peut gêner l'accès de la Catalogne aux marchés.
Quelle réponse de la Catalogne ?
Ces menaces et pressions visent à interrompre rapidement le processus indépendantistes. Mais si les indépendantistes parviennent à s'entendre et décident d'appliquer leur résolution, alors ils s'estimeront en droit de placer « leurs » lois, celles votées par le parlement régional, avant les décisions de Madrid (ce sont les points 6 et 8 de la résolution). Dans le cas où la Catalogne est asphyxiée financièrement, elle pourrait être tentée de « réquisitionner » et de « nationaliser » l'administration fiscale pour faire cesser tout transfert vers Madrid.
Selon les indépendantistes, la Catalogne est une des régions d'Europe qui accuse un « déficit fiscal » (différence entre les impôts versés et les sommes reversées par l'Etat central) le plus élevé. Une telle réponse serait un acte fort de séparatisme et placerait l'Etat espagnol dans une situation difficile. Mais ce serait aussi l'entrée dans un territoire inconnu, car il n'est pas sûr que les fonctionnaires acceptent ce changement et que la police catalane fasse respecter les décisions du parlement catalan plutôt que ceux de Madrid. Dans ce cas, par ailleurs, l'usage de l'article 155 apparaîtrait comme inévitable. Plus que jamais donc, le fossé se creuse lentement, mais toujours un peu plus entre Barcelone et Madrid.

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